C’est ainsi qu’un participant à une LIVE-SAVING SESSION (groupe d'analyse de pratiques que j’anime dans une entreprise), interpelle le groupe. A travers ce retour d’expérience, je souhaiterais revenir dans cet article sur un des essentiels de la communication.
Matteo, le participant qui nous propose ce sujet, nous explique qu’il doit se rendre en Belgique. Le commercial qui gère un client là-bas, a besoin de ses compétences et de son expertise réseau pour une intervention (dont il n’a pas le « descriptif exact ») de quelques jours en renfort de l’équipe déjà présente. Matteo appelle le contact en Belgique, un collègue donc, pour lui proposer de venir vers la fin du mois et lui demande des détails sur l’opération. Le contact doit lui renvoyer les précisions sur la mission par mail, et, son assistante s’occupe de lui réserver un train. Une semaine se passe et Matteo ne reçoit ni information, ni réservation. La fin du mois arrive sans aucune nouvelle. La mission n’aura pas lieu et Matteo se demande s’il aurait dû relancer. Est-ce que Matteo devait reprendre contact ? Ce n’est pas lui qui demande cette intervention ; pourquoi devrait-il insister ? Pourquoi serait-ce encore à lui de « faire des efforts » ?
L'effet domino
Nous observons déjà que le flou de la situation, insufflé par le commercial qui n’a pas le descriptif de la mission et ne connait pas sa durée non plus, se répercute d’acteur en acteur (initié somme toute par le contact qui a parlé au commercial de « difficulté sur son projet », sans plus). Matteo appelle en proposant « la fin du mois ». Le contact « doit renvoyer » les détails du projet, mais à quelle date ? L’assistante « doit réserver » un train, mais sait-elle sur quelle période ? Chacun est investi d’une mission peu claire et non temporisée. La situation permet donc à Matteo, qui n’a pas vraiment envie de se déplacer reconnait-il, d’esquiver, d’entretenir le flou ambiant et d’accuser « les autres » de ne pas lui avoir fourni les informations nécessaires.
L'effet Colin-maillard
A aucun moment une décision claire n’est prise… parce qu’à aucun moment une demande claire n’est réellement formulée. Matteo ne se rend pas en Belgique puisqu’il ne connait pas son ordre de mission. Est-il vraiment compétent ? Doit-il apporter des outils spécifiques ? Il devra s’absenter 3 jours ou 2 semaines ? Le contact a averti le commercial de son besoin d’aide mais n’a pas demandé de renfort pour autant. Que faire de l’arrivée de Matteo ? Est-ce la solution à sa problématique du moment ? Le commercial entend parler d’un besoin de soutien et veut envoyer du renfort (« moi je peux t’aider »). Sait-il si Matteo est la bonne réponse ? Les ressources ne sont-elles pas déjà sur place ? Chacun, les yeux bandés, avance, se cogne à l’autre et transmet son bandeau, poursuivant le jeu à l’infini.
Si la situation nous convient, ne changeons rien. Si au contraire nous vivons mal ces non-dits et les accusations renvoyées comme un rayon de soleil sur une façade de miroirs, en tant qu’élément du système nous pouvons modifier notre comportement pour modifier l’ensemble. Matteo aurait pu poser clairement les questions à son contact en Belgique : « as-tu besoin de moi ? Veux-tu que je vienne ? Je veux bien t’aider et j’attends maintenant que tu reviennes vers moi avec un ordre de mission précis et des propositions de dates de séjour. Sans une demande claire et précise de ta part, je ne pourrai pas organiser mon voyage ».
La question n’est donc pas de savoir qui doit mener la communication, mais, est-ce que je veux faire évoluer cette situation. Nous sommes non seulement responsables de notre communication et des messages que nous émettons (en posant ici les bonnes questions et en retirant le bandeau de nos yeux), mais aussi de ce que nous ne disons pas (en passant le bandeau sur les yeux du voisin).
Quel bénéfice tirons-nous à rester passif et silencieux ?
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